France.fr : un bug... de communication

Ce n'est plus un secret pour personne, le site www.france.fr, annoncé depuis des mois par le gouvernement, censé faire honneur à l'hexagone, a fait une entrée pitoyable sur le web le jour de la fête nationale.

Malgré les nombreuses choses qu'on aurait à reprocher au gouvernement et à l'agence qui a géré ce site, la première chose qui me vient à l'esprit, c'est surtout une communication déplorable. Le lancement de France.fr a été un très bon exemple de communication de crise institutionnelle ; mais là où on s'attendait à des professionnels, on se demande très sincèrement si la communication n'a pas été reléguée à un stagiaire. Je préfère croire ça plutôt que de me dire que des spécialistes en communication, avec de l'expérience, sont à l'origine de ce mick-mack sans lendemain.

Découpage des 4 erreurs les plus gênantes :

1.La communication le jour J

Après une communication en grande pompe. Le gouvernement s'est targué bien vite de crier au monde, à coup de conférences de presse, de dossiers de presse et surtout d'un communiqué bien beau, bien poli, que le site France.fr serait "un portail public multilingue pour mieux connaître et promouvoir la France" (source Communiqué de Presse officiel).

Le genre de communication qui ne laisse aucune place à l'erreur. Pas de bol dirons-nous !

Bug le premier jour, soit-disant vicitime de son succès (il fallait un peu s'y attendre), le site tombe et devient inacessible. Quelques chanceux ont pu voir les premières pages mais l'exhaltation reste de courte durée puisqu'au bout de quelques heures, un message annonce une première "justification" : les serveurs ne tiennent pas la charge.

Ok, ça peut arriver. Mal anticipé (déjà difficilement excusable pour un site avec cette ampleur, cette communication, cette implication...) mais ok, on peut comprendre que ça merdouille au lancement. Sauf que prêt de 24h plus tard, le message n'avait pas bougé. Pendant ce temps, le web bouge, évolue, cherche, se renseigne, imagine... bref, le monde tourne et la communication officielle se fait attendre... comme toujours.

2. Le "flou" sur le budget final

On a tout lu : 1,6 millions d'euros, puis finalement la moitié à 800 000 euros puis 850 000 euros... J'ai même cru lire un 450 000 euros. Bref, les divagations pululent sur le budget d'un site de quelques 5 000 pages et de 12 000 liens. Quelle est la prestation facturée, quelle est l'agence sélectionnée, y-a-t'il vraiment eu un appel d'offre ? La confiance est de courte durée face à toutes ces sources.

Mais l'erreur réside surtout dans le fait que même les partenaires médias (tel que BFM TV) n'auraient pas le montant correct de cette opération (voir la vidéo ci-dessous). Difficile d'imaginer que nous, pauvres contribuables puissions obtenir la vérité sans le doute raisonnable...

La France lance son site Internet
envoyé par BFMTV. - Regardez les dernières vidéos d'actu.

3. Ajouter le bouton "j'aime" de facebook

Au début du 3e jour, l'agence (ou le gouvernement) responsable du site, toujours inaccessible rappelons-le, a eu le culot de rajouter le célèbre bouton "j'aime" de facebook. Audace en mode Warrior ou totale incompétence des responsables communication ? J'avoue qu'après quelques secondes de rire, je me suis quand même posé la question.

Une faute extra-ordinnaire qui a valu tout de même de faire perdurer le buzz autour de France.fr sur la toile (blogs, twitter, commentaires facebook...). A se demander si ce n'est pas le but rechercher, car on peut difficilement croire que des équipes qui ont fait les meilleures écoles et qui travaillent depuis des années avec un système aussi important que le gouvernement français, soient aussi mauvais...

4. Le message d'erreur

Je dois dire que le contenu des messages qui ont été publié, reste encore le summum de la faute de communication ! Si, si ! En tout 3 messages différents ont été affiché à la une du site france.fr depuis sa sortie. Essentiellement la faute de la technique et des serveurs (c'est vicieux ces petites bêtes là !), mais les mots qui enrobent cette justification sont fascinants... Retour en détails sur le message actuel (dernier, je l'espère !) :

"France.fr, site complet et complexe, est momentanément indisponible.

=> déjà dès la première phrase, on pourrait sourire. France.fr un site complexe... On se doute que si le site de la première destination mondiale avait fait 4 pauvres pages, nous aurions eu moins de souci. Mais histoire de bien préciser à tous ceux qui n'y connaissent rien dans le développement web, on préfère préciser que c'est une science compliquée, comme ça, la pillule passera mieux. On peut tout de même se consoler en sachant qu'au moins, le site sera complet ;-)

Nous sommes en phase de conclusion des audits sur les causes des défaillances techniques nous ayant conduits à le fermer ainsi qu'à leur résolution. Merci à tous les internautes qui nous ont aidés dans cette chasse aux bugs.

=> Dans le genre "j'essaye de vous noyer avec 2 ou 3 mots un peu complexes et une phrase à rallonge sans ponctuation", ça se pose là. Heureusement, la seconde phrase reste plus compréhensible et permet d'allonger un peu la pommade.

Nous nous fixons pour objectif une relance opérationnelle dans la deuxième quinzaine d'août et confirmons la sortie, pour novembre prochain, d'une version dotée d'une dimension participative.

=> Le but était donc de nous annoncer en douceur qu'en fait, il ne s'agit pas d'un petit souci de charge sur le moment mais bien d'une sacrée incompétence qui repousse le projet au moins d'un mois. Et histoire qu'on ne râle pas trop, on nous annonce une nouveauté à venir dans 4 mois pour nous dire que le site vous permettra de vous exprimer. Si c'est pas de la tentative de manipulation ou de prise pour un con, je ne m'y connais pas.

Merci pour votre patience ."

=> là c'est un peu l'apothéose, puisqu'on termine sur une fermeture classique... SANS AUCUNE EXCUSE. A aucun moment, dans les 3 messages, il n'y a eu d'excuse, classique ou non du genre "veuillez sincèrement nous excuser pour la gêne occasionnée" ou encore "nos équipes travaillent intensément à la résolution du problème et vous présente ses excuses"... Quelque chose qui nous fasse sentir que la moitié de l'équipe n'est pas en vacances et que nos 800 000 euros (si ce n'est pas 1,6M) servent un peu à quelque chose...

Un sentiment de honte en tant que française et professionnelle de la communication qui me fait penser parfois que certains rôles devraient être inversé entre le service public et le service privé. Car, pour travailler dedans au quotidien et voir ce qu'un rien peut faire à une entreprise Internet de nos jours... je peux vous dire qu'une entreprise privée ayant tout misé sur ce produit, n'aurait pas survécu a un si mauvais lancement. Et nombreux patrons de start-up pourraient vous le confirmer.